1897-1919 : naissance et études en Pologne
Alexandre Tansman est né à Łódź le 11 juin 1897. Son père Mosze Tansman et sa mère Hanna Gurwicz issus de la grande bourgeoisie d’origine juive, cultivée et mélomane, soignent particulièrement la formation de leurs enfants, Aleksander, dit Sacha, et sa sœur aînée Thérèse.
Sacha commence à composer « à la manière de Chopin » dès son plus jeune âge. Des études au lycée de Łódź en numerus clausus permettront au jeune adolescent d’accéder ensuite à l’université de Varsovie ; il étudie simultanément le piano, l’harmonie et le solfège avec Piotr Rytel. C’est à Varsovie, où il mène de front des études de droit et de philosophie et des études musicales au Conservatoire, que Tansman affirmera sa vocation de compositeur, encouragé par certains, mais découragé par la critique polonaise. En effet, tout en ignorant les courants musicaux occidentaux de l’époque, il emploie des harmonies polytonales, des résolutions d’accords en dehors des schémas de l’harmonie fonctionnelle. Grâce à un concours de composition organisé par la Pologne, redevenue indépendante, le jeune homme remporte les trois premiers prix sous trois pseudonymes différents. Avec un visa obtenu du premier président de la République polonaise, Ignacy Paderewski, Tansman décide de partir à Paris, fin 1919.
1919-1941 : Paris et l'épanouissement de sa carrière musicale
Sa carrière musicale est le fruit d’une rencontre providentielle avec Maurice Ravel, qui l’introduit dans les meilleurs salons (lieux de rencontre des artistes), auprès de son éditeur et qui lui présente nombre d’interprètes. Ainsi, il fait bientôt partie de la vie musicale parisienne. Il se lie d’amitié avec les musiciens du groupe des Six et fréquente les plus importantes personnalités musicales de l’époque, : Bartók, Gershwin, Honegger, Milhaud, Prokofiev, Roussel, Schoenberg, Stravinsky, etc. Ses œuvres sont rapidement dirigées et jouées aussi bien à Paris que dans toute l’Europe et aux États-Unis. Son talent de pianiste lui permet aussi d’interpréter ses propres œuvres; les commandes se multiplient, ainsi que les tournées, notamment américaines, avec Koussevitzky, Mitropoulos, Golschmann, Monteux, Mengelberg, Toscanini, Serafin, Stokowski, etc.
Un premier ouvrage monographique, Alexandre Tansman compositeur polonais, paraît en 1930. Il fait partie, dans les années Trente, d’un groupe surnommé « l’École de Paris » avec des compositeurs venant comme lui des pays de l’Est : Tcherepnine, Martinu, Mihalovici, Harsanyi. Lors de sa tournée américaine en 1927-1928 le compositeur rencontre et devient l'ami de Gershwin et Chaplin, dédiant à ce dernier son Concerto N° 2 pour piano et orchestre. En Amérique, il fréquente, avec Gershwin (et Ravel lors de sa première tournée) les boîtes de nuit, et l’on retrouve de nombreuses influences de jazz dans certaines de ses œuvres. En 1932-1933, il effectue un tour du monde, où il aura l’occasion de rencontrer Gandhi, l’empereur du Japon…Il enrichit alors son langage musical des harmonies et des rythmes orientaux.
En 1937, il épouse la pianiste Colette Cras, fille du compositeur et amiral Jean Cras et, un an plus tard, il décide de prendre la nationalité française. L’ombre tragique qui va s’abattre sur l’Europe commence déjà à interdire ses œuvres dans divers pays dès 1938, et en France avec les lois de Vichy en 1940. Son nom figurant désormais sur la liste de l’Entarte Kunst, il est contraint de se réfugier à Nice avec sa famille (agrandie de deux petites filles, Mireille et Marianne), où il restera de juin 1940 à août 1941.
1941-1946 : l'exil aux États-Unis
C’est grâce à un comité organisé par Chaplin, Toscanini, Koussevitzky, Stokowski, Mitropoulos et Golschmann que la famille Tansman parvient à s’exiler aux États-Unis.Dès son arrivée, Alexandre Tansman reçoit la Coolidge Medal pour sa 4e Sonate pour piano. Peu après, il s’installe avec sa famille à Los Angeles, où il résidera jusqu’en avril 1946. Durant ces presque cinq ans d’exil, il écrit plusieurs musiques de films, assurant ainsi la sécurité matérielle de sa famille. Mais il compose aussi de nombreuses œuvres importantes, dont trois symphonies... Il multiplie les tournées, dirigeant et jouant dans les villes les plus importantes. C'est à cette même époque que Tansman noue de forts liens d’amitié avec Stravinsky, compositeur et homme qu’il ne cessera jamais d'admirer. Il lui dédiera d'ailleurs, dès son retour en France, une monographie, de nombreux articles et sa magnifique Stèle in memoriam Igor Stravinsky à sa mort. À Hollywood, où se sont installés un grand nombre d’artistes et d'écrivains exilés du monde entier, Alexandre Tansman est un des compositeurs les plus joués. Cependant, le compositeur s’adapte mal à la mentalité américaine et il a la nostalgie de l’Europe et surtout de Paris. Il prend alors la décision de rentrer en France, qu’il considère comme sa patrie d’élection.
1946-1986 : des années contrastées
Tansman fête ses 50 ans peu après son retour en France en avril 1946 avec de nombreuses tournées en Europe. Le couple Sacha-Colette Tansman joue les œuvres concertantes pour piano dans de multiples pays. La radio française lui commande beaucoup d’œuvres, des festivals Tansman sont organisés, sa carrière semble repartir… sauf en Pologne. Le décès de sa femme Colette en 1953 est la perte la plus douloureuse de sa vie. Cependant, sa créativité est toujours plus féconde et ses œuvres d'alors témoignent d’une grande maturité : l’oratorio Isaïe le prophète et les opéras, Le Serment, puis Sabbatai Zévi. Il continue à privilégier la musique symphonique et la musique de chambre.
Pendant les années 70, la France qualifie sa musique de trop « néo-classique », l’isole de la vie musicale, tout comme d’autres compositeurs de sa génération. Cependant, peu à peu, la Pologne le découvre. Après une cinquantaine d’années, Tansman revient dans son pays natal. Il est reçu comme « l’enfant prodige de Łódź» ; des festivals, des articles, des interviews, lui sont consacrés. Et surtout, la première biographie polonaise, écrite par Janusz Cegiella, en collaboration avec le compositeur, lui donne la popularité dont il a toujours rêvé auprès de ses compatriotes. Il reçoit de nombreuses décorations polonaises, dont celle du Mérite de la Culture, et obtient aussi une commande de l’État (la Sinfonietta n° 2). Une de ses dernières œuvres est une mazurka pour guitare, Hommage à Lech Walesa. En 1977, la Belgique aussi l’honore et il est élu membre de la classe des Beaux-Arts de l’Académie Royale en remplacement de Dimitri Chostakovitch. La France le nomme Commandeur des Arts et des lettres en 1986. Alexandre Tansman ne vit cependant pas assez longtemps pour voir son pays natal indépendant, et recevoir post mortem sa nomination à « Docteur honoris causa de l’Académie Musicale de Łódź ».
Il décède à Paris le 15 novembre 1986.
Un concours Alexandre Tansman est organisé dans sa ville natale en novembre tous les deux ans depuis 1996.
L'héritage artistique de Tansman comporte plus de 300 œuvres pour les formations instrumentales et vocales les plus diverses, parmi lesquelles 7 opéras, 11 ballets, 6 oratorios, 80 partitions orchestrales (dont 9 Symphonies), de nombreuses œuvres de musique de chambre, 8 Quatuors à cordes, 8 Concerti pour tous les instruments, une centaine de pages pour le piano, de nombreuses musiques de scène et de la musique de film, beaucoup d’œuvres à l'intention des enfants.