Alexandre Tansman a intégré une grande variété de styles et de références dans son œuvre, mais il a toujours créé son propre ton et son propre timbre. Son style personnel est souvent rythmiquement accentué, contient des lignes mélodiques délicates qui ne durent cependant jamais trop longtemps et ont souvent des structures internes plutôt courtes, ainsi que des orchestrations raffinées et fines qui ont toujours une grande clarté de son au premier plan. Les cinq œuvres suivantes offrent un aperçu d'une grande variété de genres, mais sont toutes indubitablement « tansmaniennes » :
Bric-à-brac
Ballet en 3 tableaux
3.2.2.2.1 — 4.3.3.1 — timb - 4 perc - pno - cél — cordes [divisées]
1935
30 min
Le ballet de Tansman, qui a des allures de revue, comporte des épisodes romantiques et émouvants qui rappellent des classiques du ballet tels que « Casse-Noisette » de Tchaïkovski, ainsi que des références vivantes au jazz et à la musique populaire des années 1920 et 1930. Mais cette légèreté superficielle est précisément ce qui fait son charme : Par exemple, derrière une joyeuse mélodie de valse, comme on l'entend peu avant le finale de l'œuvre, audacieusement orchestrée et jouant vers un point culminant emphatique, il y a toujours un sous-entendu malicieux. Les voix d'accompagnement chromatiques sont un peu trop chromatiques pour ne pas être irritantes. Cependant, il ne s'agit pas du genre d'ironie froide et amère que Stravinsky met parfois en scène, mais plutôt d'une ironie affectueuse et chaleureuse.
Concertino pour guitare et orchestre
2 / 2 / 2 / 2 — 2 / 2 / 0 / 0 — timb. - cél. — cordes (divisées)
1945
20 min
Dans ce court concerto pour guitare et orchestre, l'accompagnement est très réduit, les notes profondes des vents et les flageolets des cordes créant un climat de base très clair, accentué et doux qui maintient la guitare au premier plan à tout moment. La toccata, qui n'a rien d'une toccata, est également intéressante, le rythme vif s'y arrêtant de temps à autre pour laisser place à des moments lyriques. Une pépite.
Rapsodie hébraique
Pour orchestre
2 / 2 / 2 / 2 — 4 / 3 / 3 / 1 — timb. - 2 perc. - pno - cél. — cordes (divisées)
1933
8 min
Cette œuvre existe également dans une version pour piano, mais cette version orchestrale ne semble pas avoir été enregistrée et n'a apparemment pas été jouée depuis plusieurs décennies, ce qui est étonnant étant donné l'urgence de la ligne mélodique de type Klezmer. Une partie mélancolique, qui semble toujours aller de l'avant et débouche finalement sur une partie majeure étonnamment radieuse, confère à l'œuvre une intensité à laquelle l'auditeur ne peut se soustraire - les mélodies conservent toujours la primauté jusqu'à la fin, qui forme alors une référence nostalgique réduite aux deux parties précédentes de l'œuvre.
Rapsodie polonaise
Pour orchestre
3 / 3 / 3 / 2 / 1 — 4 / 3 / 3 / 1 — timb. - 4 perc. - pno - cél. — cordes (divisées)
1940
11 min
En 1940, Tansman est déjà en fuite pour échapper aux nationaux-socialistes et passe d'abord de Paris au sud de la France avant d'émigrer aux États-Unis. Il y écrit une autre Rapsodie, cette fois-ci « polonaise », dans laquelle des lignes mélodiques impressionnantes et déformées sont majestueusement posées sur des blocs d'accords harmoniquement complexes qui se bloquent à plusieurs reprises sur le plan rythmique. Le hautbois et la clarinette sont les instruments moteurs pendant de longues périodes, et l'on retrouve ici aussi des parallèles avec Stravinsky. Le génie de Tansman réside cependant dans la transition entre les sections rythmiquement accentuées et les parties lyriques de l'œuvre, qui éclatent à plusieurs reprises.
Tombeau de Chopin
Pour quintette (orchestre) à cordes
1949
9 min
MCA/Universal (USA)
Les trois mouvements de cette œuvre se développent à partir d'un petit noyau de motifs. La pièce commence mystérieusement par des accords sombres et dissonants et une mélodie au violoncelle qui répète un motif concis. Le deuxième mouvement, la « Mazurka », est rythmé et, en raison des nombreuses répétitions structurelles des motifs qui l'accompagnent, la ressemblance avec les mazurkas de Chopin ne peut être perçue que très indirectement, alors que des similitudes avec Stravinsky sont également perceptibles. La section centrale, étonnamment lyrique, rappelle davantage l'homonyme de la composition. Le postlude final constitue une conclusion très spirituelle et sensible à ce chef-d'œuvre, très peu connu dans sa version pour orchestre à cordes.