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Aperghis, Georges

Compositeur grec, né à Athènes en 1945. Il vit et travaille à Paris depuis 1963.

Après quelques pièces instrumentales plus ou moins inspirées de technique sérielle, Georges Aperghis compose en 1971 La tragique histoire du nécromancien Hiéronimo et de son miroir (pour deux voix de femmes : chantée et parlée, un luth, un violoncelle) : c'est sa première pièce de théâtre musical, à l'origine d'une grande partie de ses futures investigations des relations entre musique et texte, entre musique et scène. Il participe ainsi à la grande aventure du théâtre musical qui débute en France au Festival d'Avignon. La tragique histoire… (1971), Vesper (1972), Pandæmonium (1973) puis Histoire de loups (opéra, 1976) y sont alors créées et, à partir de 1976, Georges Aperghis va partager son travail en trois grands domaines : le théâtre musical, la musique de concert et l’opéra.

Le théâtre musical
Avec la création de l'Atelier Théâtre et Musique (ATEM) installé en banlieue parisienne, à Bagnolet (de 1976 à 1991) puis à Nanterre (au Théâtre des Amandiers, de 1992 à 1997), il renouvelle complètement sa pratique de compositeur. Faisant appel à des musiciens aussi bien qu'à des comédiens, ses spectacles avec l'ATEM sont inspirés du quotidien, de faits sociaux transposés vers un monde poétique, souvent absurde et satyrique, construit au fur et à mesure des répétitions. Tous les ingrédients (vocaux, instrumentaux, gestuels, scéniques…) sont traités à parts égales et contribuent - en dehors d'un texte préexistant - à la dramaturgie des spectacles. De 1976 (La bouteille à la mer) à 1997, date à laquelle il quitte l’ATEM, on compte au total plus d’une vingtaine de spectacles, dont Conversations (1985), Enumérations (1988), Jojo (1990), H (1992), Sextuor (1993), Commentaires (1996). Après 1997, Georges Aperghis poursuit son travail sur le théâtre musical de manière plus versatile, avec notamment Zwielicht (1999), Machinations (2000) et Paysage sous surveillance (2002, sur le texte d’Heiner Müller), Le petit chaperon rouge (2003), Luna park (2011).

La musique de concert
Une grande série de pièces pour instruments ou voix solistes (dont les incontournables Récitations, 1978), introduisant suivant les cas des aspects théâtraux, parfois purement gestuels, peut faire le lien avec le deuxième volet de son travail : la musique de chambre, pour orchestre, vocale ou instrumentale, riche de nombreuses œuvres aux effectifs très variés. Il n'y abandonne pas son goût pour l'expérience et une certaine provocation (Die Wände haben Ohren, pour grand orchestre, 1972), mais à la différence du théâtre musical, rien n'est à vocation proprement scénique et tout est déterminé par l'écriture. La musique de Georges Aperghis est rythmiquement complexe, toujours chargée d'une vigoureuse énergie obtenue par le traitement des limites (tessitures, nuances, virtuosité), des alliages (voix + instrument / cordes + percussion / son + bruit, etc.). Partiellement abandonné dans les années quatre-vingt au profit du théâtre musical, le concert est redevenu dans les années quatre-vingt-dix un terrain particulièrement fertile pour Georges Aperghis. Tingel Tangel (1990, trio), la série des Simulacres (1991-1995), L’Adieu (1994, mezzosoprano et orchestre), Faux mouvement (1995, trio) inaugurent dans le domaine de la musique de chambre et de l’orchestre une grande période créative. Période créative qui se poursuit très récemment avec Contretemps (2006, soprano et ensemble), Teeter-Totter (2008, pour ensemble) et Seesaw (2009, pour ensemble).

L’opéra
Ce troisième domaine peut être considéré comme une synthèse : ici le texte est l'élément fédérateur et déterminant. La voix chantée, le principal vecteur de l'expression. Georges Aperghis a composé sept ouvrages lyriques à partir de Jules Verne (Pandæmonium, 1973), de Diderot (Jacques le fataliste, 1974), de Freud (Histoire de loups, 1976), d'Edgar Poe (Je vous dis que je suis mort, 1978), d'une lettre de Bettina Brentano à Goethe (Liebestod, 1981), de l'Echarpe rouge d'Alain Badiou (1984) des Tristes tropiques de Lévi-Strauss (1996). Les Boulingrin d’après Courteline (2010), renoue avec le genre, apparemment délaissé pendant de nombreuses années.

Depuis le début des années 2000, la distribution du travail de Georges Aperghis en trois domaines distincts est en effet plus que jamais brouillée par la nature même des œuvres. L’oratorio Die Hamletmaschine (2001, sur le texte de Heiner Müller), le « monodrame » Dark Side (2004, d'après l'Orestie d'Eschyle), l’opéra Avis de tempête (2004), voire la Wölfli Kantata (2006, sur des textes d’Adolf Wölfli) ou Happiness Daily (2009, pour soprano, mezzo soprano et ensemble) remettent en jeu les questions de dramaturgie, de représentations, de mise en scène et illustrent la liberté avec laquelle Georges Aperghis se joue des classifications et des genres, du concert et du théâtre.

Compositeur prolixe, Georges Aperghis construit, avec une invention jamais tarie, une œuvre très personnelle : sérieuse et empreinte d'humour, attachée à la tradition autant que libre des contraintes institutionnelles, il sait ouvrir des horizons inespérés de vitalité et d'aisance à ses interprètes, réconcilie habilement le sonore et le visuel, autant qu’il se saisit de sujet inscrits dans le tragique ou le dérisoire de son époque.

Georges Aperghis
a reçu le prix Mauricio Kagel en octobre 2011, le Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2015 et le prix des Frontières de la connaissance (catégorie Musique contemporaine) de la Fondation BBVA en 2016. En 2018, il est l’une personnalités invitées du festival ManiFeste de l’Ircam, pour la création de sa pièce Thinking Thingset pour la création française de Obstinate, pour contrebasse solo. En 2021, l’académie bavaroise des Beaux-Arts de Munich lui décerne le prix Ernst von Siemens Musikpreis pour l’ensemble de son œuvre.


Sa musique est publiée par Durand / Universal Music Classical.

 

D’après un texte d’Antoine Gindt

 

Photo : © Kai Bienert 

 

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