L’apprentissage – jamais dissimulé – de Marc Monnet auprès de Maurizio Kagel à la Musikhochschule de Cologne n’en fait pourtant pas un « fils de Kagel ». Tout juste, à ses côtés, acheva-t-il de se convaincre que « l’œuvre d’art » est monstrueusement impure, et que l’Histoire (de la musique) est trop lourde pour ne pas s’en esclaffer (elle ne parvient décidément pas à l’obséder). Là où ses confrères composent en musique et critiquent par la plume littéraire, il associe sa création à une attitude critique aussi aiguë qu’amusée (le titre de ses « pièces » en témoigne).
Dans la cinquantaine d’œuvres achevées à ce jour, il est donc inutile de chercher le droit fil de ce qui serait un catalogue. Tout juste l’attitude préalable à la composition tient-elle lieu de plus petit commun dénominateur : « Chaque œuvre naît de la façon – singulière, donc non réplicable – dont le matériau s’organise à moi, la plupart du temps par à-coups, de manière discontinue. A chaque instant se pose la question : que faire de ce qui, incongru, survient ? »
Austère ou exubérante, tragique ou franchement ironique, chaque partition de Marc Monnet développe sa propre dialectique entre son existence sonore et l’espace – acoustique, humain et social – dans lequel elle est projetée. Dans un ensemble où les pièces scéniques sont pourtant minoritaires, chaque œuvre sécrète son matériau et ses dispositifs sonores, sa théâtralité gestuelle et spatiale, ainsi que sa relation à ses interprètes et auditeurs. Tout juste dénote-t-on une particulière dilection pour les registres graves.
S’il refuse d’enseigner, Marc Monnet rencontre fréquemment des publics divers lors de résidences dans des institutions culturelles. Mais cette vie « civile » n’est d’aucun secours pour dresser le portrait musical d’un compositeur abhorrant la veine autobiographique et soucieux d’éliminer toutes les scories qui empêchent l’auditeur – jamais ménagé – de découvrir la poésie et le projet de chaque œuvre. Si toutefois la manie du portrait musical persistait, tâchez de rassembler cette production vertueusement disséminée et, peut-être, constituerez-vous un kaléidoscope quelque peu fidèle… Mais le plus captivant est encore de se jeter dans chaque partition, unique, imprévue et imprévisible.
Monnet a fondé en 1986 la compagnie de théâtre Caput mortuum pour répondre au besoin de repense le théâtre musical. Pour la scène, il a composé Inventions (1986), Commentaire d’inventions, sur un texte de lui-même (1987), Probe pour voix et système MIDI (1989), Fragments pour 5 interprètes vocalisateurs-acteurs-gesticulateurs, 2 sopranos et système en temps réel (1993), ainsi que des pièces pour danseurs comme Ballets roses (1982), Epaule cousue, bouche ouverte, coeur fendu, pour contre-ténor, violon, deux pianos et ensemble (2009-2010), ballet issu de la pièce du même nom pour ensemble et dispositif électronique (2008). En 2000-2004, il a composé Pan, opéra pour voix d’acteurs, chœur, orchestre et dispositif électronique.
Le catalogue contient également une bonne part de musique soliste et de chambre : des pièces pour piano La joie du gaz devant les croisées en 1980 aux plus récentes En pièces (2007) et En pièces, deuxième livre (2009-2010), une série de Fantaisies pour instrument à cordes solo, de nombreux trios et sept quatuors à cordes, le septième ayant été établi en janvier 2010. Un concerto pour violoncelle Sans mouvement, sans monde a été créé par Marc Coppey en septembre 2010, ainsi qu'un concerto pour violon Mouvements, imprévus, et … pour orchestre, violon et autres machins qui a été créé par Tedi Papavrami et le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg sous la direction de François-Xavier Roth, deux concertos qui font l'objet d'un nouveau CD.
Enfin, Marc Monnet dirige depuis 2003 le Festival Printemps des Arts de Monte-Carlo.
Sa musique est publiée par Salabert / Universal Classical Music.
Photo : © Olivier Rollier