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Roussel, Albert

La France est un pays essentiellement rural et terrien. Et pourtant, les années1870-1930 furent celles d'un véritable culte du grand large et des horizons lointains. La mer de Debussy peut être considérée comme l'illustration symbolique de l'air du temps. Plus concrètement, trois marins : Jean Cras, Antoine Mariotte et Albert Roussel ont mené double carrière : musicale et maritime. Cette génération humiliée par la défaite de 1870, fascinée, en pour ou contre, par l'ascendant wagnérien avait besoin d'évasion, physique et géographique, spirituelle et artistique. A la différence de Jean Cras qui finit contreamiral, Albert Roussel choisit très tôt la musique et démissionne de la marine en 1894. Orphelin de père un an après sa naissance, en 1869, il perd sa mère en 1877. D'une solide famille d'industriels de Tourcoing, il n'est pas abandonné à lui-même. Alors qu'il prépare Navale au Collège Stanislas, un vieux maître de musique, Stolz, lui fait découvrir et aimer, au delà de la mode, les grands classiques : Bach, Mozart, Beethoven et Chopin. Lorsqu'il quitte la marine, il rencontre en 1898, par l'entremise de Mariotte, Vincent d'Indy qui assure sa formation et lui confie, dès 1902, la chaire de contrepoint. Il atteint assez rapidement une bonne notoriété, et un festival consacré à ses œuvres est donné dès 1909. En 1913 le succès du Festin de l'Araignée, musique de ballet sur un livret de Gilbert de Voisin l'affirme comme l'un des compositeurs qui comptent. Bien que déclaré «inapte», il réussit à faire la guerre de 1914 à 1918, comme agent de la Croix-rouge d'abord, puis comme engagé volontaire admis aux convois automobiles qui desservent le front. Réformé en 1918, il achève Padmavâti qu'il avait entrepris en 1914. Cet opéra-ballet crée en 1923, sur un poême de Louis Laloy, lui est en partie suggéré par les voyages qu'il fit en orient et extrême-orient. Ensuite, œuvre et personnalité s'affirment également. Dédaigneux des modes passées, indifférent aux présentes, Albert Roussel compose en privilégiant l'austérité et la rigueur du contrepoint sur les facilités du mélodisme et de l'harmonie. Cette fidélité à lui-même et l'authenticité de son évolution font qu'il demeure l'un des rares compositeurs, remarqués avant 1914, à ne point retourner à un néoclassicisme ludique dont Stravinsky est le plus caractéristique représentant.