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Landowski, Marcel

Musicien, homme exceptionnel, certes Marcel Landowski l’est à plus d’un titre ! Son rôle dans la vie musicale de son pays est essentiel, ses responsabilités très nombreuses, considérables, parfois déterminantes depuis des décennies ont contribué au renouveau musical français. Son œuvre musicale abondante et diverse témoigne de ses pouvoirs créateurs, de sa personnalité attachante. Fidèle à lui-même, aux valeurs héritées de son père, qui ont conditionné son éducation, sa vie ensuite et qui constituent une éthique forte, il incarne et illustre un humanisme où l’homme est encore au centre des préoccupations de l’homme. Il manifeste à travers les thèmes de ses ouvrages lyriques comme dans sa musique symphonique, dans la substance même de son langage musical, avec ses spécificités mélodiques, harmoniques et formelles propres à traduire au plus juste ses pulsions les plus profondes, son expression la plus achevée, la plus naturelle, un sens et une hiérarchie des valeurs, une certitude quant à la nature et à la fonction de la musique. Il libère par les sons ce bonheur d’être, d’aller vers les autres et d’offrir sa joie profonde, sa prière ou sa méditation : il nous chante son amour de la vie. Tout ce qu’il écrit fait référence à ce plaisir fondamental d’être et au besoin qu’il a d’illuminer les âmes, d’exalter les cœurs. Son désir de communiquer sa foi, son espérance, son amour sont la part émouvante de sa démarche musicale et contribuent à sa quête métaphysique en valorisant la vie par l’art des sons. Par la vertu de son expression, par son comportement d’artiste, par la constance et la fermeté de ses positions éthiques et esthétiques Marcel Landowski est l’exemple même d’un musicien, d’un créateur exceptionnel marquant de son empreinte forte la vie musicale de notre temps.

Pierre Ancelin

Pourquoi, en notre fin de XXe siècle, écrire une œuvre inspirée d’un drame datant de 586 ans avant notre ère, la destruction de Jérusalem ? Pourquoi avoir choisi ces belles et étranges lamentations de Jérémie, qui pleurent la solitude de la ville, solitude d’une ville détruite ? Peut-être ai-je inconsciemment adopté la suggestion de Michel Piquemal, les conseils en spiritualité par la musique de l’abbé Carl de Nys, et par conséquent la commande de cette œuvre, parce que ce long cri de souffrance, en réalité cette révolte contre soi-même, m’ont paru – au travers des siècles – n’être pas si éloignés des solitudes de l’âme dont souffrent aujourd’hui tant de villes sans âme et tant d’âmes perdues. Ces trois Leçons de ténèbres, des Mercredi, Jeudi et Vendredi Saints, pleurent – au delà de la solitude de Jérusalem – les remords de ceux qui laissèrent Jésus seul, abandonné peu à peu par ses disciples. C’est pourquoi, symboliquement, treize bougies pourront être allumées au début de l’œuvre, pour être éteintes les unes après les autres au cours de son exécution. Seule la treizième bougie brûlera encore quand le dernier accord, lui, s’éteindra. Chaque journée comprend trois versets et se termine par un répons : Le Mercredi Saint est le cri de la solitude et se termine par la révolte suprême : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ». Le Jeudi Saint est l’appel du Seigneur à punir la fille de Sion blessée et coupable : Jésus a été abandonné par tous ceux qui auraient dû le défendre. Le Vendredi Saint enfin, est un long cri de douleur s’ouvrant peu à peu sur un début de lumière : « Il est bien d’attendre dans le silence le salut de Dieu ». C’est le repentir. Et la prière de Jérémie, même désespérée, ouvre la voie à l’espérance : « Jérusalem, Jérusalem, reviens au Seigneur ton Dieu ». Cet appel pathétique conclut, avant chaque répons, les trois versets de ces trois journées. Dans le déroulement de cette douleur qui, on le pressent au cours du Vendredi Saint, va conduire à l’espoir, ces Leçons de ténèbres constituent un vaste triptyque qui tente d’être par son langage musical une musique de la Passion. Cette œuvre, commandée par l’A.R.I.A.M. Ile-de-France, a été créée à Paris à l’occasion du Forum des Orgues d’Ile-deFrance le 26 novembre 1991 par l’Ensemble Harmonia Nova et l’Ensemble Vocal Michel Piquemal, sous la direction de Michel Piquemal.

Marcel LANDOWSKI