Le problème de nombreuses pièces courtes avec un effectif relativement important est souvent qu'elles ne suffisent pas à elles seules à constituer le point fort thématique d'une programmation de concert et qu'il faut donc, du point de vue pragmatique de la programmation, pouvoir les combiner facilement avec des œuvres plus grandes. Cinq œuvres sont présentées ci-dessous. Chacune d'entre elles présente des points d'ancrage thématiques très différents pour une programmation, mais leur conception musicale est si ouverte que les points de contact les plus divers peuvent se présenter.
César Franck : Le chasseur maudit. Symphonic poem based on la Ballade de Bürger
3.2.2.4. / 4.2.Crnt.2.3.1./Tp.Batt.Cmp./Archi
1882, ca. 13 min
D'après un texte littéraire de Gottfried August Bürger (« Der wilde Jäger »), César Franck a composé son Chasseur maudit, dont l'esprit musical rappelle à certains endroits le « Songe d'une nuit de sabbat » d'Hector Berlioz dans sa Symphonie fantastique. Reprenant le thème du mythe de la « chasse fantastique » ou « chasse aérienne », il s'agit de la chasse blasphématoire le jour de repos du dimanche, qui entraîne le châtiment démoniaque du chasseur. Une mélodie concise de cor de chasse et un rythme syncopé presque continu caractérisent cette œuvre monothématique, de sorte que, malgré sa brièveté, l'interprète et aussi l'auditeur en gardent un souvenir mémorable.
Maurice Delage: Bateau Ivre
2 / 2 / 2 / 2 — 4 / 2 / 3 / 1 — timb. - 2 perc. - pno - hpe —cordes
1954, ca. 12 min
Cette œuvre est également une mise en musique d'un texte littéraire - cette fois-ci le célèbre poème symboliste du même nom d'Arthur Rimbaud, qui décrit la « vie » d'un bateau depuis son voyage inaugural jusqu'à son naufrage. Sur le plan musical, la couleur sonore est très homogène, les cuivres graves dominent, les lignes ondulées ascendantes et descendantes, en partie chromatiques et en partie diatoniques, alternent de manière tout à fait naturelle avec de très petits sauts d'intervalles. Delage respecte le modèle littéraire jusque dans les moindres détails du déroulement musical - c'est donc un plaisir pour les musicologues de suivre ici les références respectives dans le poème de Rimbaud.
Jeanne Demessieux: Poème, op. 9
3 / 3 / 3 / 3 — 4 / 2 / 3 / 1 — timb. - perc. - hpe — cordes (divisées)
1949, ca. 11 min
Jeanne Demessieux fait partie des compositrices de la génération du milieu du XXième siècle dont les œuvres, après avoir été presque oubliées, sont de plus en plus programmées, et ce à juste titre. Dans son Poème pour orchestre et orgue, Demessieux, qui s'est surtout consacrée à l'orgue, évoque des cascades de sons dramatiques qui, après un début pianissimo, s'élèvent en plusieurs reprises à travers les registres - accompagnées par des mélodies brillantes des vents et une utilisation des cordes d'un romantisme tardif. Des accords de cuivres rayonnants assurent à cette œuvre un final glorieux.
Alejandro García Caturla: Trois Danses Cubaines
3 / 3 / 3 / 2 — 4 / 3 / 3 / 1 — timb. - 2 perc. - pno - cél. - hpe — cordes
1927, ca. 10 min
Alejandro García Caturla est considéré comme l'une des figures de proue de l'afro-cubanisme, un courant musical qui associe des éléments des différentes cultures musicales dominantes à Cuba et qui intègre surtout l'héritage culturel de la population afro-cubaine dans la « musique savante » transmise par les Européens. En raison de leur brièveté, les Trois Danses Cubaines conviennent parfaitement comme bis ou comme dernières pièces d'un programme de concert. Les numéros 1 (« Danza del Tambor ») et 3 (« Danza lucumi »), en particulier, constituent des miniatures musicales au rythme et à l'harmonie endiablés, qui se terminent presque aussitôt, avant même que l'on ait pu saisir pleinement la complexité de l'action musicale. Le numéro 2 («Motives de Danzas») constitue un contrepoint un peu plus détaillé, avec quelques moments tout à fait lyriques - un violon solo apporte régulièrement des accents mélodiques. Une œuvre très dense qui, malgré sa brièveté, permet de découvrir de nombreux détails musicaux - Encore !
Milhaud: Fantaisie Pastorale, Op. 188
Pour piano et orchestre
1.1.1.1 - 1.1.1.1 - perc. - hpe - cordes
1938, ca. 10 min
Cette œuvre de Milhaud n'a certes qu'un effectif relativement réduit, mais elle nécessite un piano solo et devrait donc être combinée de préférence avec un autre concerto pour piano, car elle ne dure que très peu de temps (à peine 10 minutes) - c'est peut-être la raison pour laquelle elle n'apparaît malheureusement pas si souvent dans le répertoire de concert jusqu'à présent. Le cinquantième anniversaire de la mort de Milhaud étant célébré cette année, les occasions se multiplieront peut-être. La polytonalité très spécifique de Milhaud est ici aussi prédominante, mais un dialogue presque chambriste du piano solo prédomine sur de longues périodes, avec quelques incursions orchestrales isolées, au sein desquelles sont évoquées les ambiances les plus diverses et les plus intimes. Un petit bijou lyrique et enjoué, très délicat pour Milhaud.