Les illuminations de Giacinto Scelsi
La musique contemporaine et la représentation de l'effroi : ce sujet couvre des mètres de linéaire dans les bibliothèques musicales. De l'expressionnisme viennois aux pages de Bernard Herrmann pour Alfred Hitchcock, le fil semblait longtemps continu et direct.
C'était sans compter sur une personnalité artistique unique, un musicien génial qui, loin de traiter l'horreur et la béatitude comme des opposés, les a sublimés comme deux faces inséparables d'une expérience spirituelle. Ce musicien, cet autodidacte de génie, c'est Giacinto Scelsi.
La « filmographie » de Scelsi est certes bien plus modeste que celle de Herrmann ou de ses épigones. De surcroît elle s'est développée post mortem, via les choix de cinéastes iconoclastes, tel un Martin Scorcese. Elle est le signe explicite de la richesse de ses illuminations, du « son en tant qu’incantation magique, formule enchanteresse », un « son créateur aussi bien que destructeur ». Le musicologue Jacques Amblard, que nous citons ici, nous a accordé un entretien exclusif sur le compositeur et ses relations avec la modernité cinématographique :
Ou comment l'exultation sonore de Uaxuctum, composée en 1966 mais créée des décennies plus tard, et ses percussions amphigouriques (sept percussionnistes jouant plaques de métal gigantesques et autres bidons de 200 litres), devient dans Shutter Island de Martin Scorcese sorti dans les salles en 2010 aussi inoubliable que la souffrance psychologique du héros interprété par Leonardo DiCaprio.
Œuvre de l'excès, Uaxuctum est aussi devenue celle de l'essai, scientifique celui-ci. C'est à Radio France que le laboratoire d'hyperradio, reconnu pour ses prouesses technologiques sur le son multidimensionnel, que le destin de cette œuvre à l'image s'est poursuivi, via Uaxuctum 360, un projet immersif en réalité virtuelle dans lequel les décors bougent pour inviter le spectateur à « lâcher prise ».
En prenant un autre chemin que celui des paysages psychotiques ultrachromatiques de Hermann, les voyages hypnotiques de Scelsi l'illuminé ont ouvert des horizons à l'image et restent d'une actualité « brûlante » pour la création la plus incandescente.
Photos :
Giacinto Scelsi © DR
Affiche de film :
Shutter Island - Martin Scorsese (2010) © Warner Bros.