Georges Aperghis s'est vu décerner pour l'ensemble de son œuvre hier soir, mardi 15 juin 2021, le prestigieux Ernst von Siemens Musikpreis qui, depuis 1974, honore les grands compositeurs et musiciens de notre temps. Il s'inscrit ainsi désormais dans une lignée qui comprend, pour ne citer que quelques figures parmi les plus remarquables, Henri Dutilleux, Olivier Messiaen, György Ligeti, Pierre Boulez et György Kurtág.

Nous adressons nos plus vives félicitations à l'artiste et à l'homme pour cette distinction exceptionnelle et nous associons à la joie et à la fierté de ses proches, amis et tous ses compagnons de route.

En allouant le prix à Georges Aperghis, la Fondation pour la Musique Ernst von Siemens distingue une voix incomparable parmi les compositeur/rices exceptionnels de notre époque. Le Conseil d’Administration de la Fondation pour la musique Ernst von Siemens honore l’œuvre d’une vie, en dehors des sentiers battus, qui se soustrait au classement hâtif et qui a su renouveler et enrichir de manière unique le théâtre musical contemporain. La richesse et la profondeur de sa musique, son usage progressif de la langue sont honorés à même titre que son ouverture d’esprit infinie face à des domaines où la musique contemporaine ose peu s’aventurer.
Né le 23. décembre 1945 à Athènes d’un père sculpteur et d’une mère peintre, Aperghis ne sait au début choisir entre le monde des beaux-arts celui de la musique, qu’il découvre via des leçons de piano données par un ami de la famille et grâce à la radio. Il devient compositeur essentiellement de manière autodidacte. L’indépendance artistique qui s’y manifeste et sa confiance inébranlable en sa force de création caractérisent son œuvre jusqu’à aujourd’hui. En 1963 il se rend à Paris où il vit et travaille toujours. Ici il tente initialement de se lier aux courants de composition marquants de l’époque : le sérialisme représenté en France par Pierre Boulez, les techniques électro-acoustiques de la soi-disant „Musique concrète“, la musique travaillant avec les masses sonores de son compatriote parisien Iannis Xenakis et le théâtre instrumental d’un Mauricio Kagel. A partir de 1970, il développe peu à peu un langage musical unique. Les compositions d’Aperghis comprennent plus de 100 œuvres, parmi lesquelles aussi de nombreuses pièces pour instruments solo, voire aussi pour voix solo, comme les Récitations pour voix de femme de 1978, ou les Jactations (bégaiement, au sens propre) pour baryton solo de 2001. Il compose aussi de la musique de chambre, des œuvres pour ensembles, plus rarement pour orchestre et épisodiquement aussi de la musique de film. Les partitions sont souvent le résultat d’étroites collaborations très personnelles avec des interprètes disposés à l’expérimentation comme Geneviève Strosser, Donatienne Michel-Dansac, Nicolas Hodges ou Uli Fussenegger ou des Ensembles comme Ictus, Klangforum Wien ou encore l‘Ensemble intercontemporain. Le dénominateur commun entre ces œuvres, qu’elles soient avec voix ou purement instrumentales : l’importance d’Aperghis pour le sens du langage et pour ce qui relève de la linguistique. Mais ce qui caractérise son œuvre depuis le début, c’est la quête infatigable d’un nouveau théâtre musical, qui aimerait „faire de la musique de tout et de tous“. En 1976 il fonda avec son épouse, la comédienne Edith Scob, avec qui il a deux fils, son propre théâtre : l‘Atelier Théâtre et Musique“, l‘ATEM, un atelier de théâtre musical ancré dans la réalité sociale d‘une banlieue parisienne (Bagnolet). Ici il s’adonne à la recherche de liens entre le théâtre et la musique, entre sons et corps. Des pièces comme Avis de Tempête en 2004 unissent des éléments vocaux, instrumentaux, gestuels, narratifs et scéniques dans un cadre d’expression unique. Le théâtre musical d’Aperghis se distingue par sa grande ouverture d’esprit face à l’altérité, qu’il s’agisse d’une machine ou d’un robot. Il en découle souvent un dialogue avec d’autres formes d’art, comme l’art dramatique, la danse, les beaux-arts. 
L’esprit vif de Georges Aperghis, sa richesse d’invention, sa soif irrépressible de recherche et ses aboutissements dans le domaine du théâtre musical font de lui une des personnalités les plus novatrices de la musique contemporaine. Pour son mérite, le prix de musique Ernst von Siemens 2021 lui sera décerné le 17 février 2022 à la Muffathalle de Munich.