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MUSIQUE(S) - IMAGE(S) - Alexandre Tansman

MUSIQUE(S) - IMAGE(S) - Alexandre Tansman

Alexandre Tansman à Hollywood
 
Le pouvoir de la musique à l'image n'a jamais été aussi flagrant que dans les années d'apogée de Hollywood, des années 1930 aux années 1960, pendant lesquelles le monde entier de l'art fertilisait littéralement les productions des grands studios. La composition « made in France » est rarement associée spontanément à ces années : si l'histoire de la musique cite souvent les exils, si fertiles et importants certes, des Schoenberg, Korngold, Weill (aux côtés des Ernst Lubitsch et Fritz Lang) aux États-Unis, elle passe plus souvent sous silence la présence des compositeurs « parisiens ». Pourtant, la tradition d'émigration de compositeurs français vers les États-Unis commencée par Edgard Varèse (ou Marcel Duchamp et Raymond Loewy dans les arts visuels) s'est bel et bien poursuivie dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, comme en atteste la figure d'Alexandre Tansman, né en Pologne et naturalisé Français en 1938.

Tansman est avec Honegger « le »
 grand symphoniste de nos maisons d'édition dans les années précédant la modernité. Il était clair, dès le début de sa carrière, que son goût des couleurs instrumentales et son sens de la grande forme dans ses pièces concertantes des années 1930 le prédestinaient aux fresques sonores hollywoodiennes. Son passeport, artistique, vers la Californie (le visa lui sera octroyé grâce à l'aide de Charlie Chaplin, excusez du peu), c'est au réalisateur Julien Duvivier qu'il le doit : leur première collaboration en 1932 sur le fameux Poil de Carotte (parlant) du cinéaste ayant été unaniment salué, leur association s'impose aux studios Universal Pictures à Hollywood dix ans plus tard dans Flesh and Fantasy, mieux connu en France sous le titre Obsessions. Le style tansmanien, alternant harmonies tendues et couleurs généreusement sucrées, y fait merveille, et unifie un choix dramaturgique qui aurait pu paraître décousu. Le public (et la critique) ne s'y trompent pas, et Flesh and Fantasy restera un classique.

 

Mais la vraie reconnaissance viendra à la fin de la guerre, dans un sujet de prédilection du compositeur plus que jamais décidé à revenir en Europe, l'occupation de son pays d'adoption dans Paris Underground de Gregory Ratoff (connu dans l'histoire du cinéma pour avoir « lancé » Ingrid Bergman). Pour sa partition aux rubati vigoureusement néo-romantiques, Tansman est nominé aux déjà mythiques Oscars dans la catégorie « Best Music », une consécration pour un compositeur inconnu quelques années plus tôt et dont l'avenir artistique sera désormais exclusivement dédié à la scène.  

 

 Trois quarts de siècle après son aventure hollywoodienne, la musique de Tansman se vit et se partage maintenant au concert et au disque ; ce sont désormais des images intérieures, et non plus celles de Julien Duvivier ou des cinéastes hollywoodiens, que son cycle de neuf symphonies et son catalogue unique de concertos éveille en nous. Pour autant, l'esthétique post-expressionniste si spéciale de ces moments de création audiovisuelle n'est pas sans résonner avec notre époque et sa bande originale nous émeut et nous parle comme elle émouvait et parlait à nos grands-parents. Tansman est bien resté, à travers les décennies, notre contemporain.

 

Photos :
Alexandre Tansman © DR

Films : 

Julien Duvivier - Poil de Carotte (1932)
Julien Duvivier - Flesh and Fantasy (1943)
Gregory Ratoff - Paris Underground (1945)
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