Ravel, enfant chéri du septieme art:

Il est difficile de se remettre du sentiment de tristesse qui nous envahit lorsque nous réalisons que, jamais, nous ne pourrons écouter l'opéra que Maurice Ravel souhaitait consacrer à Jeanne d'Arc après sa lecture de l'ouvrage éponyme de Joseph Delteil. Ce sentiment est encore plus vif lorsque nous apprenons que Maurice Ravel n'a jamais composé de bande originale - l'unique projet qui aurait pu voir le jour ayant été finalement confié à Jacques Ibert. Si le sublime et extravagant cycle de mélodies Don Quichotte à Dulcinée, né sous l'inspiration de cette occasion manquée, n'a pas racheté cette «faute historique», c'est peu de dire que la dite histoire s'est bien vengée entre temps : Ravel est même devenu un favori des bandes-son !

Prenons le célébrissime Boléro. A peine créé sur scène (en 1928), il devient titre et élément central d'un film de Wesley Ruggles (en 1934). L'histoire s'accélère après-guerre avec des chefs d'œuvre dans lesquels le Bolérosouligne la circularité fatale des destins, tous films signés de réalisateurs éminents: Rashômon (en 1950) de Akira Kurosawa, Stalker (en 1979) de Andrei Tarkovski, Les Uns et les Autres (en 1981) de Claude Lelouch, Magnolia (en 1999) de Paul Thomas Anderson, Femme Fatale (en 2002) de Brian de Palma. N'en rajoutez pas !

Et bien si, on en rajoute : la Pavane pour une Infante Défunte possède un palmarès au moins aussi distingué: Porco Rosso (en 1995) de Hayao Miyazaki, Il Divo (en 2008) de Paolo Sorrentino, la scène culte du Dark Knight Raises (en 2012) avec Christian Bale, Birdman (en 2014) d'Alejandro González Iñárritu avec un autre Batman de légende, Michael Keaton.

Ne croyez pas pour autant que seules les productions hollywoodiennes de super-héros ont été fascinées par la beauté insolente des grandes œuvres ravéliennes. Depuis Un Cœur en Hiver, l'inoubliable drame de Claude Sautet ravélien de bout en bout (sorti en salles en 1992) avec, notamment, un Trio avec piano plus poignant que jamais, le film d'auteur contemporain a été régulièrement friand du compositeur du Jardin Féérique et d'Une Barque sur l'Océan: témoins des long-métrages comme La Famille Tenenbaum (en 2001) du fantasque Wes Anderson ou, plus proche des thématiques phare de notre époque, Call Me By Your Name (en 2017) du délicat Luca Guadagnino.

Nul doute : le plus grand compositeur de musique de film du XXe siècle s'appelle... Maurice Ravel.

Photos :
Maurice Ravel © DR

Affiches films :
Stalker (1979)
Andreï Tarkovski

Call Me by Your Name (2017)
Luca Guadagnino

Femme fatale (2002)
Brian De Palma

La Famille Tenenbaum (2001)
Wes Anderson

Les Uns et les Autres (1981)
Claude Lelouch

The Dark Knight, Le Chevalier Noir (2012)
Christopher Nolan

Un Cœur en Hiver (1992)
Claude Sautet