« J'ai découvert l'ensemble Vocello début 2015 et ai immédiatement été séduit par un travail minutieux et très émouvant sur le son et ses inflexions, et sur le mouvement qui accompagne l'intention vocale, ce lien très original entre le violoncelle et le chœur nous ramenant également à cette grande question du faire chanter un instrument qui n'utilise pas le souffle. Cette préoccupation a été au centre d'une bonne partie de mon apprentissage d'instrumentiste et j'ai toujours été fasciné par les pianistes qui arrivent à créer l'illusion vocale à travers cet instrument à cordes frappées.

Nous nous sommes rencontrés avec Henri Demarquette à cette période, et avons imaginé pouvoir se retrouver sur un projet commun autour de Vocello, une façon d'ouvrir en miroirs nos univers créatifs. Au delà du plaisir de pouvoir travailler avec un interprète aussi attentionné à l'expressivité ardente de son instrument et avec un ensemble vocal aussi pertinent que Sequenza 9.3, l'idée de créer une musique autour de cette intention vocale m'a paru très excitante.

Nous avons commencé à réfléchir avec Henri sur le choix des textes à mettre en musique, s'est dessinée assez rapidement l'idée et l'envie de créer un lien avec ma culture de jazzman et par extension avec la culture noire , la musique afro-américaine ayant été dans mon parcours source d'inspiration éternelle. Par contre il m'est apparu

assez évident qu'il fallait éviter le piège de vouloir se référencer directement à la culture gospel , magnifique archétype vocal de cette culture musicale noire mais qui aurait risqué de phagocyter le projet dans une couleur que je ne souhaitais pas ici . J'ai alors pensé à ce "Cahier d'un retour au pays natal" , long poème d'Aimé Césaire que j'avais lu quelques années auparavant et qui m'avait frappé par sa beauté tout d'abord mais aussi par sa force et sa violence assez bouleversante dans sa revendication , et cette fameuse notion de négritude qu'il utilise souvent m'a renvoyé à toute la force du blues et l'essence même de la musique afro-américaine.

J'ai donc souhaité ici avec "Au bout du petit matin..." ( qui sont aussi les premiers mots du livre, et qui dans mon imaginaire m'évoquent une sorte de blues antillais, nostalgie mêlée d'espoir ) écrire une musique qui évoque la profondeur de cette période sombre de l'histoire telle que la raconte Césaire, avec sa violence et sa noirceur, mais en même temps avec sa lumière intense et la fierté et joie qui l'accompagne. »

Baptiste TROTIGNON – janvier 2018

Création mondiale

Au bout du petit matin

Pour chœur et violoncelle

25 mars 2018, Toulouse

Commande de Vocello

Sur des extraits du Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire

Violoncelle, Henri Demarquette

Sequenza 9.3

Direction, Catherine Simonpietri