Actualités

Pascal Dusapin - « In Nomine Lucis »

Pascal Dusapin - « In Nomine Lucis »

À partir du 11 novembre et la panthéonisation de Maurice Genevoix, ce sera une création musicale de Pascal Dusapin, commanditée par la République Française, qui accueillera les visiteurs du temple parisien de la République. Un événement auquel nous introduit la plume d’Irina Kaiserman : 

 

Le Panthéon veille sur Paris du haut de la montagne Sainte Geneviève, église commandée par un roi et dévolue après la Révolution française à la mémoire des personnalités remarquables ayant élevé la nation par leur art et leurs actions. Au gré des changements de régime politique, le monument redevint église, puis définitivement Panthéon laïque à la suite des funérailles de Victor Hugo en 1885.

Le Président de la République Emmanuel Macron a requis le concours de deux artistes pour accompagner la panthéonisation de l’écrivain Maurice Genevoix et le centenaire de l’inhumation du soldat inconnu :  Anselm Kieffer et Pascal Dusapin.
 Un Allemand et un Français côte à côte pour saluer les soldats de la Grande guerre, 1914-1918. Pascal Dusapin s’est promené longuement dans l’édifice, un peu déserté. Il  a visité les ateliers d’Anselm Kieffer, ils y parlèrent de leur amour inextinguible pour leurs disciplines respectives, pour Paris, du cheminement de l’un jouxtant celui de l’autre dans cette commande unique à haute responsabilité, des œuvres visuelles et sonores pérennes au Panthéon. Comment animer autrement cet espace gigantesque, surplombant une crypte cimetière, honorer les morts et accueillir, pour un temps de mémoire édificatrice, les vivants ?
 
Pour célébrer Genevoix et « ceux de 14 », le compositeur imagine un immense poumon vivant au sein de la pierre du XVIIIe siècle,  comme pour la faire chanter.
 Une entité de voix nous appelant à la spiritualité, où chacun pourra entendre des échos différents de son passé, de son histoire. La sonorité du lieu, où tout son produit une longue réverbération, sept secondes, le dissuade d’utiliser des instruments. La voix sera souveraine. Il compose pendant le confinement du à la pandémie de covid 19 une quinzaine de chœurs, comme autant de modules de chants, le chœur Accentus dirigé par Richard Wilberforce les enregistre avec dix sept chanteurs . Vient ensuite l’étape d’un immense jeu de construction sonore : il se sert des modules comme d’une grammaire, composant de nouvelles phrases avec tous ces nouveaux mots vibrants, les mixant directement à l’ordinateur cette fois. L’exercice tient autant de Molière, dans le Bourgeois Gentilhomme (la variation autour de «  Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ») que de Beethoven dans les variations Diabelli… Il superpose, mélange, sépare, sélectionne, définit une infinité de sculptures vocales, passant par toutes les tessitures, conjuguées ou non. Pour donner vie à ses rêves, il imagine avec son fidèle ingénieur électro acousticien, Thierry Coduys, une installation de 70 haut parleurs spécialement calibrés et construits par la société Amadeus qui diffuseront la musique dans l’édifice ;  un planificateur et un spatialisateur aux ordres du compositeur, grâce à un programme informatique spécialement mis au point par son collaborateur, répartiront les voix dans l’espace avec une extrême précision, les multiplieront, changeant les perceptions d’un même moment musical, les déclinant en diverses  intensités et vitesses de propagation.
 
Plusieurs fois par heure, chaque jour, des chants dans la tradition d’une élévation immatérielle peupleront ainsi l’espace sonore du monument, rappelant aux promeneurs les mannes des illustres résidents architectes de la grandeur française. Les textes sont en latin, issus de l’Ecclésiaste, de Virgile et de locutions funéraires de la Rome Antique. Les enchainements de combinaisons seront innombrables, plusieurs années s'écouleront avant de retrouver une équivalence. Dusapin compose et décline ses variations en souhaitant réintroduire de la spiritualité dans cet édifice laïque si particulier et emblématique du patrimoine français. Il veut ponctuer le temps de voix d’une grande pureté enregistrées sans filtre ni aucune manipulation électronique, pour penser à celles qui se sont tues, respirer autrement le moment en se souvenant du souffle des absents et de leurs traces , poursuivre les conversations. C’est pour lui une possibilité d’extendre l’expérience lyrique de l’opéra sans dramaturgie écrite, ce cadre extraordinaire et sa vocation énonçant déjà une histoire très forte. La liberté polyphonique qu’il arpente s’harmonise avec la liberté du passant qui déambule  et écoute.

Pascal Dusapin souhaite aussi qu’on entende les noms des soldats morts. Il n’est pas possible de les citer tous  pour des questions de temps et d’organisation mais il demande une liste de 20000 noms respectant les quotas des origines des combattants au ministère des Armées. Ils seront égrenés hors des temps musicaux, transmis par leurs propres haut-parleurs placés au dessus des portes , dans un rapport à l’espace plus intimiste. Maurice Genevoix avait lui aussi établi des listes de ses camarades blessés, morts ou disparus. Comme la musique sortira de la pierre, ces noms des morts de la Grande guerre sortiront de leurs inscriptions sur ces monuments aux morts émaillant tout le territoire français. Deux comédiens les enregistrent à la philharmonie de Paris, Florence Darel et Xavier Gallais.

Le soldat inconnu devait être enterré initialement au Panthéon.
Un enfant de l’Alsace et de la Lorraine lui rendra hommage en peuplant ce sanctuaire  d’ombres chantantes, pour qu’un monument redevienne le lien entre ceux qui sont morts pour la patrie, et nous qui y vivons.

 

Irina Kaiserman

 

Pascal Dusapin - In Nomine Lucis
Pour c
hœur
Création mondiale : 11 novembre 2020 
Panthéon, Paris
Chœur Accentus

 

Il existe deux versions d'In Nomine Lucis.

La première est diffusée à peu près tous les quarts d'heures, à chaque fois sur une durée allant d'une à plus de quatre minutes et régulé suivant un planificateur informatique qui renouvelle sans cesse l'ordre des pièces entre elles. Les noms des soldats morts sont diffusés dans les transepts entre les pièces musicales. 

La seconde, est une version immersive de quarante minutes, composée comme une grande symphonie chorale et spatiale. 

Elle pourra être entendu lors de nocturnes au Panthéon les 30 mars, 6 et 13 avril à 19h. 

 

Revivez la cérémonie d'entrée au Panthéon de l'écrivain Maurice Genevoix accompagné de la musique de Pascal Dusapin :

 

 

Presse : 

Écouter l'interview de Pascal Dusapin et Anselm Kiefer par Léa Salamé sur France Inter le 11/11/2020

Cliquer pour lire l'article paru dans Le Point le 08/11/2020.

Cliquer pour lire l'article du Monde paru le 09/11/2020. 

Cliquer pour lire l'article de Libération paru le 11/11/2020.

Cliquer pour lire l'article de Télérama paru le 11/11/2020.

Ci-dessous l'article du Journal du Dimanche du 08/11/2020 :

 



Photos:

Pascal Dusapin © Pascal Gontier
Anselm Kiefer © AFP 
Maurice Genevoix © Micheline Pelletier / Gamma-Rapho - Getty
Retour